Menace to Society

New York, 10/07/2006

Un samedi d’octobre je marche dans les rues de Manhattan, direction Macys sur 34^ème et Broadway. Une journée de shopping, classique, universellement pratiqué je présume. Une amie Française m’accompagne. On recherche notre bonheur parmi tous ces rayons.

Cinquième étage, rayon femme, à la recherche des jeans Levi’s on parcourt les différents stands, les différentes marques. Une homogénéité dans les vêtements laisse deviner une tendance, une mode. Les jeans sont « moulant » encore cette année, les tailles sont basses (encore plus), les « tops » encore courts…pas question d’avoir ces fameuses formes tant redoutées des stars de magazines…Et pourtant, au même étage, mélangés aux vêtements deux autres « stands » font fureurs, je n’y vois néanmoins pas de jeans…Ben & Jerry’s, le marchand de glaces, et un autre fast food qui fait plus dans le salé…il y a la queue, l’heure de faire le « plein » a sonné…quelle heure ? Peu importe ici c’est toujours l’heure de manger ou boire. « Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir soif… ». Le cocktail parfait pour monter d’une taille est au même étage que les vêtements des nouveaux modèles féminin.

Au dessus, chez les « kids » on trouvera Mc Donalds, au milieu de Ralph Lauren…Certainement un bon moyen d’éduquer les plus jeunes…une glace, un burger ou un Coca à la main a acheter les T-Shirts Yankees et jeans Diesel. Un modèle imprimé, ancré au plus profond d’eux mêmes je doute qu’ils ne reproduisent pas ça plus tard.

A chaque étage, des panneaux avec les fameux logos de Mc Do, Starbucks, Ben & Jerry’s et autres. Au cas où une fringale, une famine s’abattent sur nous pendant notre après-midi shopping…Des Galeries Lafayettes avec un fast food à chaque étage ou presque…d’ailleurs c’est aux étages féminins et enfants seulement…étrange ? Je ne pense pas, je dirais évident…Les femmes marchent plus aux coups de cœur et font de toute façon plus les boutiques que les hommes !

Moi, je me promène, j’ai faim car je n’ai pas mangé aujourd’hui. Je lutte pour ne pas craquer sur la facilité de cette « mal bouffe ». J’ai déjà pris suffisamment de kilos (?) depuis que je vis ici…j’espère quand même avoir fait moins de 1 kilo par mois…

Je m’interroge quand même. Je mange moins, je cours plus et pourtant rien ne semble vraiment changer…en même temps je ne fais pas trop d’efforts, je suis faible, je suis pas difficile. Voilà leur faiblesse ! Manger pour eux c’est tout le temps, c’est maintenant et tout à l’heure aussi. J’ai soif, j’ai mon Tall Caramel Machiatto avec moi. J’ai faim, il y a le spot a hot dogs, il y a aussi le fameux camion glace avec sa musique, ou alors le burger, les chicken wings, le philly cheese steak, les ribs du chinois, les chips mexicaines et j’en passe…j’ai aussi mon bagel et le donut le matin avec l’omelette et le bacon.

Sept mois que je suis à New York, sept mois que je pratique le régime burger (le reste je ne peux pas). Sept mois que je sens cette bouffe me ronger de l’intérieur, que je me sens mal après. Mon organisme dit stop, la graisse ne s’assimile plus, la quantité est trop conséquente…mes steaks en France de 350 g se sont transformés en 125 g que je ne digère plus…pourquoi ? Les hormones ? Leur huile ? Je ne sais pas, mais encore ce soir je suis aller manger le « Huge » burger du Jackson Hole. C’est certain que c’est bon mais c’est définitivement clair que je le regrette…la digestion est douloureuse, elle me fatigue…il n’y a pas à dire je ne pourrais pas travailler là.

Mais je suis un touriste, un étranger dans un pays étrange…les clients du Jackson font bien deux fois ma taille et mon poids. Ils se déplacent difficilement, on imagine les blessures du surpoids. Avachis, chaque geste paraît être un effort. Les symptômes de la pauvreté ? Pas seulement…Toutes les classes semblent être touchées. Aucune n’est épargnée.

Harlem, fameux quartier chargé d’histoire au nord de Manhattan, en mutation ce quartier plein de bonnes surprises à malgré tout un goût prononcé pour les « junk food restaurants ». Terrain de chasse des Wendys, Burger Kings, Mc Do etc. ils déciment des générations entières. Une bombe à retardement, un « future contract » sur la mort comme on dit en jargon financier. Nourriture des pauvres, le sucre rend aveugle, coupe les jambes, rend obèse…Le diabète ça s’appelle…

Direction Midtown, 60^ème rue et 3^ème avenue. Je rentre du travail. Au feu, trois femmes, belles mamans, bien habillées, beaux bijoux. Pas milliardaires mais d’une classe sociale aisée sans nul doute. Une « bande » de gamins de 10 à 15 ans les accompagnent. La sortie entre copains et copines du quartier. Ca braille, ça piaille, ça rigole…on avance…soudain je réalise, je comprends…et je me dis que c’est pas possible. Je me sens comme perplexe, je me sens extérieur comme devant une mauvaise série télé…ils vont à Candy’s, le temple des bonbons…une sorte de parc d’attraction ou des milliers de bonbons sont à portée de mains…des « jeux » comme chez Mc Do pour occuper les enfants entre deux poignées…Dentiste aux USA doit certainement parmi les professions où il y a trop de travail…

Un compte à rebours, le sable s’écoule. La révolution est en route…l’empoisonnement à grande échelle a commencé. Les boissons sucrés où énergisante à la torrine (interdit en France auparavant…étrange), bœuf aux hormones, OGM, bonbons, chips, cocktail de fruit vitaminé avec pour $3 de plus un peu de créatine, chaque aliment semble être la cigarette de mes années clopes…on ne s’en passe pas, on la voit, on le sait, chaque bouffée nous tue…mais on le fait…

Moi je connais autre chose car j’ai grandit dans un pays où l’art de la table est la grande cuisine, où la quantité ne remplacera jamais la qualité. J’ai cette chance, celle d’avoir eu l’éducation qui fait la différence, celle qui va me sauver la vie…haricots verts, carottes, courgettes, artichauts, asperges et autres légumes sont des aliments qui m’ont fait grandir, que j’ai vu pousser…et que je sais préparer…eh oui très cher colocataire on cuisine encore comme ça en France…et ailleurs aussi…

Qui les sauvera eux de ce futur ? Moi je serai rentré à la maison…